L’éducation familiale en Afrique : l’angle mort des politiques publiques

"Alors que les gouvernements africains investissent massivement dans l’éducation formelle, l’éducation familiale reste largement négligée. Cet article analyse les conséquences de ce déséquilibre, s’appuie sur des données récentes et montre comment une génération entière risque de se construire en marge de l’essentiel, davantage tournée vers l’accessoire que vers les fondements de la société."

POINT DE VUE !

Koffi Olivier HOUNKPE

8/30/20254 min temps de lecture

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Quand l’éducation familiale reste à la traîne : un investissement tardif et inefficace

Sur le continent africain, l’éducation des plus jeunes — particulièrement au sein des familles — est largement sous-financée. Selon UNICEF, les gouvernements africains investissent en moyenne 16 fois moins dans les enfants de 0 à 5 ans que dans ceux de 15 ans (UNICEF, Global Partnership for Education). En moyenne, seulement 6,5 % des dépenses sociales destinées aux enfants concernent les tout-petits, contre 55 % consacrés aux adolescents (Global Partnership for Education). Pire encore, certains pays n’allouent aucun budget à l’éducation préscolaire, alors que l'enseignement supérieur continue d’être surfinancé (UNICEF, Global Partnership for Education).

Un autre constat alarmant : moins d’1 pays africain sur 5 atteint l’objectif recommandé par l’ONU, à savoir consacrer 20 % du budget national à l’éducation. Dans plusieurs cas, cette part est bien en dessous, certains pays même moins de 10 % (UNICEF).

Ce déséquilibre n’est pas théorique, il est mesurable. Selon l’UNICEF, 80 % des enfants africains de 10 ans ne savent pas lire et comprendre un texte simple. Ce chiffre illustre une réalité implacable : lorsque les bases éducatives ne sont pas solidement posées dès la famille et la petite enfance, l’école ne parvient pas à combler le vide.

Un enfant qui arrive au primaire sans stimulation cognitive, sans discipline de base ni accompagnement parental est comme un maçon à qui l’on confie des briques sans lui montrer comment faire du ciment. On peut empiler des connaissances scolaires, mais elles ne s’agrègent pas. Résultat : des élèves qui avancent mécaniquement dans le système éducatif, mais sans maîtrise des compétences fondamentales, créant un retard difficilement rattrapable et réduisant drastiquement leur employabilité future.

Ce constat révèle que l’investissement public centré uniquement sur les infrastructures et la scolarisation formelle ne suffit pas. Sans une politique claire de soutien à l’éducation familiale — sensibilisation, formation parentale, programmes de développement de la petite enfance — l’Afrique prépare une génération qui sait "passer des examens", mais pas nécessairement "affronter la vie".

Une génération africaine en marge de l’essentiel

Imaginons l’éducation comme la construction d’un bâtiment. Les gouvernements africains financent largement les "étages supérieurs" — collèges, lycées, universités — en espérant élever des tours modernes et compétitives. Mais ils négligent la fondation : l’éducation familiale et la petite enfance. Or, un gratte-ciel, aussi brillant soit-il, repose sur la solidité de son socle.

Investir massivement dans l’éducation formelle tout en ignorant l’éducation au sein du foyer revient à ériger des murs sur du sable. On produit des jeunes diplômés brillants sur le papier, mais fragiles face aux valeurs fondamentales : discipline, responsabilité, respect, solidarité. À la moindre secousse sociale ou économique, cet édifice vacille, car les piliers intérieurs — la conscience citoyenne, la capacité à gérer les émotions, le sens du bien commun — n’ont jamais été construits.

Ainsi, l’Afrique risque de former une génération "haute de plafond" mais "creuse à la base" : tournée vers la réussite visible (diplômes, carrière, statut) plutôt que vers l’essentiel (intégrité, culture du travail, équilibre familial). Cette dissonance nourrit le chômage des diplômés, la corruption, et la fuite des cerveaux — car un bâtiment sans racines solides cherche toujours à s’appuyer ailleurs.

Quelques statistiques clés

  • Pour atteindre les objectifs de développement durable (SDG) en matière d’éducation, 183 milliards USD/an sont nécessaires en Afrique, contre 106 milliards disponibles, laissant un déficit de plus de 40 % (UNICEF).

  • Les familles portent une charge écrasante : dans certains pays (Bénin, Niger, Côte d’Ivoire, Togo), les dépenses des ménages pour l’éducation représentent 20–30 % du revenu par habitant, alors qu’elles sont inférieures à 5 % dans les pays riches (uis.unesco.org).

  • Au niveau global, près de 40 % des dépenses éducatives en Afrique sont supportées par les ménages (Think Global Health).

L’absence d’un soutien suffisant à l’éducation préscolaire et familiale retarde non seulement le développement individuel des enfants, mais compromet aussi la productivité future des nations africaines. Des adultes peu préparés dès leur enfance deviennent des citoyens moins outillés pour participer pleinement à l’économie et à la gouvernance. Rééquilibrer les budgets éducatifs en plaçant la petite enfance et l’éducation familiale au cœur des priorités n’est pas un luxe : c’est un investissement à rendement social et économique élevé.

C’est précisément cette conviction qui guide HLEMI Center, un acteur social engagé à renforcer les familles comme premier milieu d’apprentissage. Sa vision est claire : offrir aux enfants un socle éducatif solide dès leurs premières années en accompagnant les parents, les communautés et les décideurs à repenser les priorités. Par ses programmes de sensibilisation, ses formations parentales et son plaidoyer, HLEMI Center démontre qu’un enfant bien entouré à la maison devient un élève mieux préparé, puis un adulte plus productif et résilient.

En soutenant la petite enfance aujourd’hui, l’Afrique prépare une génération capable non seulement de réussir à l’école, mais surtout de transformer les sociétés et les économies de demain.

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